Envie d’initier vos élèves à la philosophie pour enfant, sans passer nécessairement par les livres de Platon ou Socrate ? Oui, c’est possible ! Chez Lili, on a eu l’honneur et la joie de collaborer avec Edwige Chirouter et avec Jean-Charles Pettier, professeurs des universités et experts en philo pour enfants. Cette collaboration a donné vie à près de 70 ateliers philo avec un support audio ou papier, clés en main destinées aux enseignants. 

À partir de quel âge peut-on commencer à développer l’esprit critique des élèves ? Comment fonctionnent les ateliers Je grandis et comment se former ? Ou encore, quels sont les sujets abordés dans les ateliers d’initiation à la philo Lili ?  Voici un article qui répond à vos questions et dévoile les bienfaits de ces activités.

Pourquoi proposer des petits ateliers de sensibilisation à la philosophie en primaire ou au collège ?

Mais au fait…philosopher ça veut dire quoi ?

La chaire de l’UNESCO définit la pratique de la philosophie pour enfant comme une base éducative pour le dialogue interculturel et la transformation sociale. Au sein de nos classes, initier les élèves à la discussion philosophique, c’est aussi les rendre capables de penser par et pour eux-mêmes. L’idée n’est pas qu’ils pensent plus…mais bien qu’ils pensent mieux.

En effet, l’objectif d’une initiation à la philosophie pour enfant est de cultiver la curiosité intellectuelle, la pensée critique et la capacité à examiner les aspects fondamentaux de la vie et du monde dès le plus jeune âge.

Grâce au philosophe et pédagogue américain Matthew Lipman, en collaboration avec Ann Margaret Sharp, la philosophie pour enfant se développe en Europe, depuis une trentaine d’années.

Quels sont les bénéfices des discussions démocratiques ? 

Les ateliers de philosophie pour enfant développent la pensée réflexive, créatrice et critique à partir de discussions démocratiques et de supports variés. Cette pratique connaît un développement mondial, à la croisée des sciences de l’éducation, de la philosophie et de la pédagogie.

Du côté des apprentissages, ces débats argumentés servent de nombreux bénéfices, tels que : 

  • le développement du langage, la capacité d’exprimer leurs idées à travers des mots et donc d’enrichir leur vocabulaire ;
  • apprendre à réfléchir, débattre, exercer leur esprit critique, et à se découvrir eux-mêmes ;
  • découvrir les autres comme une source d’enrichissement, de voir que l’on peut échanger des avis différents, et ainsi accepter et respecter les différences.

Ce qu’en dit la recherche : philosophie et pédagogie font-elles bon ménage ?

Selon Grégoire Borst1 et Olivier Houdé2, chercheurs et psychologues, la curiosité ou le doute, propices au questionnement, sont des émotions subtiles et positives qui permettent au cerveau de bloquer nos pensées automatiques pour activer une pensée rationnelle et logique. 

Lors des ateliers de philosophie pour enfant, il s’agit de poser un cadre dans lequel les élèves sont mis au défi de justifier leurs opinions. Ce dialogue stimule un engagement plus profond entre les élèves et le sujet traité, amenant un niveau de compréhension plus approfondi. Il a ainsi été prouvé que la pratique d’ateliers de philosophie a des effets cognitifs positifs sur la scolarité primaire et secondaire, impactant également les résultats dans les matières traditionnelles du programme, en mathématiques notamment3.

Un programme original conçu par Edwige Chirouter et Jean-Charles Pettier

Qui est Edwige Chirouter ? 

Edwige est professeure des Universités, chercheur au CREN, titulaire de la Chaire UNESCO « Pratiques de la philosophie avec les enfants : une base éducative pour le dialogue interculturel et la transformation sociale ». Auteure de nombreuses publications académiques, elle diffuse depuis plus de 20 ans, en France et à l’international, la pratique de la philosophie pour les enfants.

Qui est Jean-Charles Pettier ? 

Jean-Charles est professeur à l’INSPÉ, formateur à l’international, Docteur en Science de l’éducation et en philosophie. Chercheur pionnier de la philosophie pour enfant en France, il a participé à des travaux de recherche sur le climat scolaire et le harcèlement et cofondé le programme international Philojeunes de lutte contre la montée des radicalisations.

Edwige Chirouter Jean-Charles Pettier, deux experts en philosophie pour enfants

Comment animer un atelier philo avec des enfants ?

Animer un atelier philo en maternelle, c’est possible ? 

Lili a été choisie par l’Education Nationale pour améliorer le bien-être en classe, et notamment en proposant des ateliers philosophiques dès la maternelle.

On peut être surpris de vouloir pratiquer des ateliers philo avec de très jeunes enfants, car cela semble devoir mobiliser un langage précis, élaboré et une certaine capacité d’abstraction. Pourtant depuis longtemps, de nombreux enseignants et animateurs les mettent en place, notamment en zone d’éducation prioritaire, en cycle 2 ou cycle 3

Il n’y a effectivement pas d’âge pour se poser des questions philosophiques :

  • Le premier homme avait-il une maman (sur les origines) ? 
  • Pourquoi y a-t-il des gens qui ne parlent pas comme nous (sur le langage) ? 
  • Doit-on être gentil avec les méchants (sur le bien et le mal) ?

Il ne s’agit pas de prétendre que l’enfant aurait conscience de la portée de ces questions. L’idée est de lui donner un temps où ses questions sont prises au sérieux, et lui permettre progressivement de saisir le monde dans sa complexité et sa diversité. En résumé, liberté, découverte, curiosité, cœur, corps et esprit sont les lignes directrices. 

Concrètement, avec des enfants en maternelle, on peut faire le tour du groupe durant lequel chaque enfant va pouvoir s’exprimer une première fois sur le sujet annoncé. Puis, on reviendra sur les idées exprimées. Enfin, lorsque le temps est presque écoulé, on peut clore les échanges en faisant la synthèse de ce qui a été dit, et en proposant aux enfants de dessiner une des idées qu’ils souhaitent retenir de cet atelier.

Pour aller plus loin, le programme « Mener un atelier en maternelle » donne plus de clés sur comment animer un atelier philo avec des enfants en cycle 1.

Quels sont les conseils pratiques à relire avant d’animer un atelier Je grandis ?

Petite introduction avant de philosopher

Réfléchir sur sa posture est un impératif incontournable lorsque l’on se lance dans l’animation d’un atelier philosophique en classe. Votre rôle ne consiste pas à être des philosophes, mais à guider les discussions. Cela passe par l’animation de différentes techniques, comme rebondir sur un point de vue ou demander des précisions. Vous l’aurez compris, cette posture d’étayage est cruciale pour donner corps aux échanges et accompagner nos élèves dans cette découverte.

Explications préalables

Pour optimiser cet échange et vous mettre dans les meilleures conditions pour animer une initiation à la philosophie pour enfant, une préparation adéquate est essentielle. Vous pouvez écouter le podcast « Je grandis » sur le thème choisi. Le début, « avec des amis / camarades », pose les bases du questionnement initial, tandis que « passer à la suite » encourage à approfondir le thème.

Le module de formation aux ateliers philo vous partage des conseils concrets en fonction de ce que vous cherchez à approfondir. Les recommandations de Lili dédiées au thème Je grandis vous donnent 8 astuces concrètes pour conduire une séance, sans stress.

La philosophie pour enfant selon Platon

Il n’y a pas d’opinion fausse, chacun a toujours raison de son point de vue.

Platon

Dans un atelier philosophique, il est fondamental de comprendre qu’il n’y a pas de réponse unique. L’objectif est d’enseigner aux élèves à évaluer la validité des différentes réponses possibles. La diversité des idées et des points de vue entre les élèves est cruciale, nourrissant ainsi l’esprit critique et la capacité d’argumenter.

Petites règles, grands principes

La règle primordiale est d’argumenter chaque affirmation, expliquant ainsi son fondement. Les autres règles à respecter sont en accord avec celles de la classe, de l’école, et de la société : respect de la parole d’autrui, absence de discrimination, etc.

Point de départ pour philosopher

Commencez simplement en énonçant le sujet et en le notant au tableau. Accordez aux élèves une minute de réflexion silencieuse avant de lancer les échanges. Encouragez les questions et animez la discussion en soulignant le droit des élèves de ne pas être d’accord entre eux, incarnant ainsi le principe démocratique.

Méthode et organisation de la participation

La méthode peut varier entre discussions en classe entière ou en sous-groupes. Alternativement, proposez une activité d’art (autre forme de créativité et d’expression) pour une moitié des élèves pendant que l’autre se questionne, puis inversez les rôles.

Organisez la participation en invitant les élèves à créer un cercle. Utilisez un bâton de parole ou définissez des règles pour rythmer la discussion. Vous pouvez par exemple, invitez chaque élève à exprimer une idée à tour de rôle.

Durée et clôture de la rencontre

Fixez une durée de 15 à 30 minutes en fonction de l’âge des élèves, les avertissant dès le départ. Cela favorisera une immersion rapide dans le questionnement, sans les frustrer au moment de la synthèse de fin.

Pour conclure, consacrez les cinq dernières minutes à rappeler les éléments-clés de l’échange, encadrés dans le carnet philo. Vous pouvez aussi demander à chaque élève de partager le mot le plus important retenu lors de l’échange. Cela favorise ainsi la mutualisation des apprentissages. 

Quelles sont les ressources disponibles dans le programme Je grandis ?

Les podcasts aux thèmes variés et les carnets de philosophie Lili

La collection « Je grandis » réunit plus de 30 titres de podcast classés par thème, tel que les émotions, moi et les autres ou moi et le monde. Vous avez le choix d’appuyer sur Lecture ou de l’écouter en amont pour introduire vous-même la discussion.

Le carnet de philosophie Lili permet de prolonger l’activité, à l’école ou à la maison. Conçu pour encourager la parole élaborative et émotionnelle des enfants, ce carnet sert également de trace écrite. Il est composé de 4 parties : 

  1. Des idées pour réfléchir, synthèse des notions clés abordées et définition des mots importants ;
  2. À toi de jouer, espace d’écriture personnelle (ou de dictée à l’adulte) pour exprimer sa pensée en utilisant le vocabulaire en lien avec la discussion ;
  3. Mène l’enquête, jeux de rôle pour recueillir des avis exprimés par l’entourage et mobiliser des formules adéquates (d’après vous, pensez-vous, à votre avis…) ;
  4. À tes crayons, espace d’expression artistique pour exprimer sa sensibilité et son opinion selon la situation énoncée.
Le carnet de philosophie pour enfants Je grandis LILI
Le carnet de philosophie pour enfant Je grandis

Les guides de séquences pour animer les discussions de philosophie pour enfant

Lili propose une fiche de préparation de séance Je grandis pour chacune des 7 compétences : 

  • réfléchir sur la vie ;
  • la jouer collectif ;
  • oser à l’oral ;
  • apprivoiser mes émotions ;
  • croire en moi ;
  • dompter l’erreur ;
  • muscler ma concentration.

Chaque fiche de prep’, véritable outil pédagogique, comprend les objectifs de développement des compétences psychosociales, les objectifs d’apprentissage, les modalités d’organisation et tout le déroulé de la séance, incluant les questions et les consignes.

Les histoires pour engager le dialogue ou pour explorer des pistes

Pour chacun des titres de podcast, une liste de livres classés en fonction de l’âge des élèves est également suggérée. Des manuels de philosophie pour les élèves de 3 à 12 ans complètent la liste. La majorité des ouvrages proposés est disponible en bibliothèque. 

Comment puis-je bénéficier de la formation aux ateliers philo ?

Lili intègre au sein de son application un module de formation aux ateliers philo d’une qualité unique, conçu par les auteurs des podcasts.

Les enseignants novices ou initiés y découvrent ou approfondissent comment animer ces échanges, en disposant de conseils pratiques sous forme de questions/réponses vidéo et audio : 

  • Suis-je légitime pour animer un atelier philo ? 
  • Comment gérer un élève qui va trop dans l’émotionnel, ou qui fait une remarque discriminante ? 
  • Comment faire progresser l’échange sans orienter les réflexions des élèves, et comment s’appuyer sur le tableau… ?

Pour aller plus loin : les différents courants de philosophes

L’éveil du sujet

Ce premier courant a un enjeu anthropologique et existentiel. C’est un courant fondé par un psychanalyste français qui se nomme Jacques Lévine. Ce dernier parle de l’enfant comme d’un interlocuteur valable en tant qu’être humain. C’est sa dignité même de se poser ces grandes questions existentielles et universelles.

Or, trop souvent, les adultes ont recours à des stratégies d’évitement car les questions posées sont complexes, délicates ou angoissantes. Ils se renvoient la entre adulte ou remet à plus tard le questionnement de l’enfant. 

Pourtant, les questions que l’enfant se pose ne sont pas des questions réservées aux grands. Il a donc le droit de s’en emparer dans un espace de parole libre et authentique. Pour résumer, dans ce courant, l’adulte intervient très peu et doit laisser l’enfant s’exprimer le plus librement possible.

L’éducation à la citoyenneté

Cette approche a des enjeux politiques et démocratiques. Ce deuxième courant est porté par des enseignants issus des courants de l’éducation nouvelle, comme la pédagogie Freinet par exemple. 

Il  insiste sur l’aspect démocratique des échanges philosophiques et sur les fonctions que peuvent occuper les enfants pendant ces discussions : 

  • président de séance ;
  • journalistes ;
  • reformulateurs des idées ;
  • gardien du temps ;
  • gardien de la parole. 

Dans ces espaces de pensée, les élèves vont apprendre patiemment à écouter l’autre et à confronter des avis dans le respect des différences. La classe devient une agora démocratique comme un parlement où il convient de respecter une éthique de la discussion. Lors de  ces ateliers, les enfants vont surtout découvrir des concepts  démocratiques.

Le courant philosophique

Ce troisième courant a un enjeu pédagogique et didactique très fort. Il insiste sur les exigences intellectuelles inhérentes au discours philosophique :

  • conceptualiser ;
  • problématiser ;
  • argumenter. 

Il vise à réinventer des formes d’enseignement précoce de la philosophie en tant que discipline scolaire. Ce n’est pas un café du commerce où l’on peut dire tout et n’importe quoi. En effet, la philosophie nécessite une rigueur de raisonnement. L’animateur est le garant de ces exigences et peut intervenir fréquemment au cours de la discussion pour aider les enfants dans l’acquisition de cette rigueur. Il peut poser des questions, relancer, donner des références notamment philosophiques, donner du vocabulaire …

Ce courant vise donc surtout à développer la pensée critique et à muscler le cerveau. Les ateliers Lili Je grandis d’Edwige Chirouter et Jean-Charles Pettier s’inscrivent aussi dans ce courant. Cette pratique de la philosophie répond plus particulièrement aux besoins de démocratisation d’une discipline scolaire qui n’est enseignée qu’aux adolescents, dans le secondaire. 

Je grandis, c’est la volonté de donner des clés de réflexion et de confiance à tous les enfants chez eux comme à l’école, seul comme en groupe. Et cela afin que les adultes de demain puissent mieux gérer leurs émotions, oser s’exprimer et s’affirmer en collectif.

  1. Borst G. Apprendre à résister aux automatismes de pensée : Un exemple de l’apport des sciences cognitives à la compréhension des mécanismes cognitifs impliqués dans les apprentissages scolaires de l’élève. Administration & Éducation, 2020. Disponible à l’adresse : https://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=ADMED_168_0085 
  2. Houdé O. Apprendre à résister : pour combattre les biais cognitifs. Flammarion Champs Essais, 2022.
  3. Topping KJ, Trickey S, et Cleghorn P. Philosophie pour les enfants. Série sur les pratiques éducatives 32. Disponible à l’adresse : https://unesdoc.unesco.org/ark:/48223/pf0000373403_fre.locale=fr