Préserver la santé mentale des jeunes : entretien avec Raphaëlle, infirmière scolaire

La santé mentale des jeunes s’est dégradée au cours de ces dernières années. La pandémie a été manifestement un booster d’anxiété pour cette génération. Malheureusement, les capacités d’accueil en soins de psychiatrie et d’accès aux psychologues sont insuffisantes en France, face aux besoins. En 2022, la Défenseure des droits, Claire Hédon, et son adjoint le Défenseur des enfants, Eric Delemar, appelaient à faire de la santé mentale des jeunes, une priorité. En attendant d’améliorer l’offre de soin, les infirmières scolaires et les psyEN sont souvent en première ligne face à la souffrance des ados.

Raphaëlle est infirmière scolaire depuis 8 ans. Elle partage son temps entre le collège où elle intervient 2 jours par semaine, et 10 écoles (4 élémentaires et 6 maternelles) de sa circonscription dans l’Académie de Versailles.

Comment Raphaëlle, infirmière scolaire, aide les élèves à s’apaiser avec les temps calmes de Lili.

Lili : Nous sommes en janvier 2024. Bonjour Raphaëlle, comment vont les élèves dans votre établissement ?

Raphaëlle : Globalement, ils vont mieux que l’année dernière. Je constate que j’ai moins d’élèves en suivi, c’est-à-dire que je rencontre régulièrement pour faire le point avec eux. Quelques élèves sont quand même hospitalisés pour tentative de suicide ou phobie scolaire. Et, en ce moment, il y a surtout des conflits entre jeunes, à cause des réseaux sociaux.

Lili : En tant qu’infirmière scolaire au sein d’un établissement de 680 élèves, vous êtes amenée à accueillir les élèves et leurs paroles. Arrivent-ils à exprimer leurs émotions ?

Les élèves qui viennent spontanément arrivent à exprimer leur colère ou leur tristesse. En revanche, les élèves envoyés par les professeurs ont plus de mal à se livrer. En général, ils ont déjà discuté de leurs problèmes avec l’enseignant et ils ne comprennent pas forcément pourquoi je demande à les recevoir, ensuite.

Et puis, il y a aussi les élèves qui viennent pour céphalées, par exemple. Si c’est inhabituel, je prends le temps de discuter un peu avec eux. Parfois, je me rends compte qu’il y a eu un souci avec leur ami(e), une remarque gênante d’un enseignant, un conflit avec les parents avant de partir, une croix qui vient d’être posée, ou le stress d’une évaluation qui arrive. 

Lili : On ne s’en rend pas toujours compte, mais la vie d’un ou d’une adolescente au collège peut parfois être très inconfortable et source de beaucoup d’angoisse. Quels sont vos plus gros défis pour les accompagner au quotidien ?

Être disponible pour chacun ! Mais aussi, les accompagner au mieux dans leur scolarité, les aider à traverser des étapes de la vie particulières où tout se mélange : apprentissage, amitié, hormones, changement, autonomie, indépendance… 

Et puis, faire le lien avec la famille sans briser la confiance des élèves qui se confient, ce n’est pas toujours simple non plus. 

Lili : On dit souvent que ce n’est pas facile d’avoir 13 ans. Vous confirmez qu’effectivement, pour certains adolescents, l’étendue des changements qui surviennent en eux et autour d’eux, peut être très déconcertante, voire une source potentielle de mal-être. Est-ce qu’au sein de votre collège, il y a des projets pour préserver leur santé mentale ?

Oui, il y a un projet « classe bien-être » avec des ateliers sur les compétences psychosociales et un voyage pour favoriser le vivre-ensemble. Le projet concerne les 6 classes de 5e. Je dois également intervenir sur les thèmes alimentation et sommeil.

Lili : C’est bien de pouvoir engager une dynamique collective de bien-être, avec une diversité d’acteurs et pour un grand nombre d’élèves. Toutefois, il vous arrive de devoir intervenir au cas par cas, quand le mal-être est déjà présent. Comment faites-vous pour apaiser l’adolescent ou l’adolescente qui se tient en face de vous ?

J’ai suivi une formation pour mettre en place des séances de relaxation au collège. C’était une formation dédiée aux professeurs pour une pratique collective. Pour le moment, je l’utilise en individuel, dans la salle de repos de l’infirmerie.

Quand je vois que l’élève a besoin d’un temps calme avant de reprendre ses cours, je lui propose de s’allonger et d’écouter une relaxation pour trouver le calme sur Lili.

Je choisis l’activité selon son état d’esprit ; le rayon de soleil est souvent très apprécié. Parfois, ils n’ont pas envie d’écouter ou ils ne sont pas réceptifs. Dans ce cas, je leur propose simplement d’écouter la musique des temps calmes. Après, ils sont plus détendus, plus calmes et reposés. Ils peuvent rejoindre leur classe et finir la journée.

Sources :

  • La santé mentale des adolescents (11-17 ans) et des jeunes adultes (18-24 ans) se dégradent, en France, depuis septembre 2020. Santé Publique France 2023
  • Les recours aux soins d’urgence pour troubles de l’humeur, idées et gestes suicidaires ont fortement augmenté en 2021 puis 2022, pour rester depuis à un niveau élevé. Santé Publique France 2023